Augmenter la capacité de stockage autorisée du Cires : un projet pour 2022
L’Andra travaille actuellement sur le projet Acaci dont l’objectif est d’augmenter la capacité de stockage autorisée des déchets de très faible activité (TFA) du Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires), sans faire évoluer la zone de stockage existante du site. Explications.
A fin 2019, le Cires a atteint environ 61 % des 650 000 m3 de sa capacité totale de stockage autorisée. Au regard des prévisions de livraisons de déchets TFA annoncées par les producteurs pour les années à venir, le centre devrait atteindre cette capacité totale de stockage autour de 2028/2029. Dans le même temps, « selon l’Inventaire national des matières et déchets radioactifs publié par l’Andra, nous savons qu’entre 2 100 000 m3 et 2 300 000 m3 de déchets TFA vont être produits d’ici 2050–2060, rappelle Patrice Torres, le directeur des opérations industrielles de l’Andra. Le Cires, qui accueille ces déchets depuis 2003, ne suffira donc pas à stocker ces volumes à venir dans sa configuration actuelle, même si des solutions de gestion alternatives, à l’étude actuellement, voyaient le jour. »
Le projet « Acaci » : une anticipation des volumes de déchets à stocker
Une des solutions étudiées consiste à augmenter la capacité de stockage autorisée du Cires. Ce projet, nommé « Acaci » – pour Augmentation de la CApacité du CIres – viserait ainsi, sans faire évoluer la zone de stockage existante du site et tout en conservant son niveau de sûreté, à augmenter de près de 50 % ses capacités de stockage.
Ce projet envisageable grâce à l’optimisation du stockage au Cires depuis déjà plusieurs années. « Au fur et à mesure de l’exploitation du centre, nous avons cherché à anticiper l’augmentation des volumes de déchets TFA à venir, en optimisant le stockage », explique Patrice Torres. "Les révisions de la conception des alvéoles et des dispositions de stockage (schéma ci-dessous) ont en effet permis un gain de stockage de 56 % par rapport au concept initial. « Ce concept prévoyait de stocker les 650 000 m3 de déchets autorisés sur trois zones. Grâce à ces optimisations, nous n’utiliserons que deux zones. La troisième sera donc libre et nous permettrait, si nous en avons l’autorisation, de prendre en charge 250 000 m3 à 280 000 m3 de déchets supplémentaires, soit au total plus de 900 000 m3 à superficie égale. »
L’Andra travaille sur le projet Acaci depuis 2018. « Le PNGMDR* 2016–2018 nous imposait de déposer une demande d’autorisation six ans avant que la capacité du centre ne soit atteinte (estimée en 2028) », précise le directeur. En attendant, les études et les étapes réglementaires liées à ce projet devront répondre à différents enjeux industriels, techniques, environnementaux et de dialogue avec les parties prenantes, dont le public, afin de poursuivre l’exploitation du Cires dans des conditions optimales (lire ci-dessous l’interview de Fanny Gérard).
« Non seulement ce projet nous donnerait une dizaine d’années de capacité de stockage supplémentaires, ce qui est déjà beaucoup, mais il nous laisserait aussi plus de temps pour évaluer, parallèlement, la pertinence d’autres solutions de gestion de ces déchets, qu’il s’agisse de la construction d’un nouveau centre pour lequel nous menons des études pour la recherche d’un site sur le territoire de la communauté de communes de Vendeuvre-Soulaines, ou du stockage d’une partie des déchets TFA sur leurs sites de production ou encore du recyclage dans la filière nucléaire d’une partie des déchets, en particulier les déchets métalliques. Il est important d’anticiper, mais aussi d’avancer pas à pas, en laissant le débat sur la gestion des déchets TFA ouvert aux décisions que pourraient prendre nos successeurs », conclut Patrice Torres.
*PNGMDR : tous les trois ans, le Gouvernement et l’Autorité de sûreté nucléaire établissent un Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR). Cet outil de pilotage dresse le bilan des modes de gestion existants en France pour les matières et les déchets radioactifs, il recense les besoins prévisibles d’installations d’entreposage ou de stockage, et définit les orientations stratégiques.
Deux schémas pour comprendre
Déchets TFA : ce que dit la législation Aujourd’hui, la réglementation française considère que tout déchet produit dans une zone nucléaire est un déchet radioactif et doit être géré comme tel dans une filière spécifique, et ce même si les contrôles ne mettent pas en évidence de radioactivité ou à un niveau très faible. C’est le cas par exemple de certains déchets métalliques ou gravats, de béton issus d’installations nucléaires. À l’instar d’autres pays, la France envisage d’ajuster sa réglementation afin de pouvoir recycler dans la filière nucléaire une partie de ces déchets. |
INTERVIEW : un projet, plusieurs scénarios à étudier
Le projet Acaci va faire l’objet d’études approfondies et d’une procédure réglementaire propre à toute ICPE*. Objectif : définir en lien avec le territoire, les meilleures options d’aménagement pour limiter au minimum l’impact du projet sur l’Homme et l’environnement. Le point sur le projet avec Fanny Gérard, chef de projet à l’Andra.
Fanny Gérard, chef de projet à l’Andra
Quels sont les principaux enjeux techniques du projet Acaci ?
En termes de conception, cette troisième zone de stockage du Cires n’aura rien de très différent des deux autres zones. Nous reproduirons le concept actuel des alvéoles de stockage en prenant en compte toutes les optimisations dont le centre a déjà pu bénéficier. En revanche, l’une des questions majeures, comme pour la plupart des projets de génie civil, est celle de la gestion des terres. Le creusement des alvéoles de stockage engendre énormément de terres qu’il nous faut entreposer, avant de les réutiliser pour la couverture définitive du stockage. Plusieurs options sont à l’étude : utiliser un terrain industriel ou agricole à proximité du centre, défricher une partie de nos terrains jouxtant le Centre… Nous menons des analyses des scénarios les plus viables, selon des critères environnementaux, industriels, juridiques, économiques et d’impact sur le voisinage, qui pourront être discutés avec les riverains. L’Andra souhaite en effet associer la population locale à ce projet en organisant une concertation préalablement au dépôt de la demande d’autorisation d’augmenter la capacité de stockage du Cires.
Augmenter la capacité de stockage de déchets même de très faible activité signifie augmenter la quantité de radioactivité sur le centre ? Oui, c’est pourquoi nos études actuelles consistent à évaluer l’impact du projet sur l’Homme et l’environnement pendant toutes les phases de vie de l’installation (construction, exploitation, fermeture). Pour ce faire, nous allons élaborer un inventaire des déchets TFA à venir, sur la base duquel nous recalculerons les impacts radiologiques et chimiques de l’ensemble du centre. À noter toutefois qu’aujourd’hui, après avoir stocké environ 400 000 m3 de colis de déchets, soit 61 % environ de la capacité totale autorisée actuellement du Cires, nous avons « consommé » moins de 10 % de la capacité radiologique autorisée**. Nous n’allons donc pas consommer les 90 % restants en augmentant de 50 % le volume des déchets stockés sur le Cires. Dans tous les cas, nous allons réévaluer l’impact du centre afin de garantir le respect des limites de capacités du site.
« Nous travaillons aujourd’hui à identifier les sujets spécifiques à la tranche 3 pour en discuter avec le public »
Où en est le projet aujourd’hui et quelles sont les prochaines étapes ?
Nous travaillons sur les études de conception du projet depuis 2018 : études de conception, d’aménagement, d’impact sur l’environnement, etc. Elles nourriront le dossier de demande d’autorisation environnementale que nous remettrons à la préfecture à mi-2022. Avant cela, nous allons lancer en 2021 un cycle de réunions avec le public. S’agissant d’un centre en exploitation et d’un concept déjà mis à l’épreuve, nous travaillons aujourd’hui à identifier les sujets spécifiques à ce projet pour en discuter avec les riverains. L’étape suivante à l’issue de la phase de concertation sera le dépôt en préfecture du dossier de demande d’autorisation. Il faudra ensuite compter entre neuf mois et deux ans d’instruction par les autorités de l’État, au cours desquels une enquête publique sera menée. Si le projet est autorisé, environ quatre ans de travaux seront nécessaires pour que la tranche 3 du Cires puisse prendre le relais de la tranche 2 à l’horizon 2028.
*Installation classée pour la protection de l’environnement / **pour la majorité des radionucléides (sauf deux radionucléides dont la consommation s’élève à 20 % et 32 %)