Impliquer les citoyens à chaque étape du développement de Cigéo
Parce que le projet Cigéo engage la société pour très longtemps, il a été conçu pour être progressif et adaptable. Tout au long de sa vie, des décisions seront prises avec les citoyens pour évaluer et orienter son développement. C’est ce qu’on appelle « la gouvernance » du projet. Un sujet essentiel qui sera discuté avec le public à partir de la fin d’année 2020.
Conçu pour protéger l’Homme et l’environnement pendant des centaines de milliers d’années, Cigéo, le centre de stockage géologique des déchets radioactifs les plus dangereux, est un projet aux caractéristiques exceptionnelles. Sa construction et son fonctionnement s’échelonneront sur plus de 100 ans et plusieurs générations se succéderont pour assurer son exploitation et son développement.
Il est donc essentiel de garantir à ces générations futures la possibilité de réinterroger et de réorienter, si elles le jugent nécessaire, les décisions prises par notre génération.
Un enjeu de réversibilité
C’est tout l’enjeu de ce qu’on appelle la réversibilité du projet. Actée par le Parlement en juin 2006 puis précisée en 2016, elle offre aux générations successives la possibilité de revenir en arrière, de continuer comme prévu, ou de modifier le projet et ce, pendant toute sa durée de fonctionnement.
« S’il est de notre responsabilité d’avancer vers une solution de gestion pérenne pour ces déchets, ce n’est pas parce qu’on décide d’engager Cigéo que tout est gravé dans le marbre », explique Pascal Leverd, directeur adjoint du projet Cigéo. « L’avancement du projet se fera pas à pas en fonction de décisions qui seront périodiquement évaluées, rediscutées, confirmées ou non. »
Construction, mise en service, réception puis stockage du premier colis, développement ultérieur du stockage, fermeture définitive : autant de grandes étapes, qui, pour être franchies, seront l’objet de décisions concertées avec le public dans le cadre de la gouvernance de Cigéo.
« La gouvernance d’un projet, ce n’est pas le fait de le “gouverner”, au sens de le diriger ou d’avoir le pouvoir, ce n’est pas non plus la décision elle-même. C’est plutôt la façon dont sont préparées, discutées, prises et suivies les décisions qui concernent ce projet », résume Pascal Leverd.
Inclure la société civile
Qui associer à ces décisions ? À quel moment ? De quelle façon ? Dans quelles conditions et avec quels moyens ? Autant de questions qui seront discutées avec le public lors de la concertation qui débutera à la fin de l’année. « La gouvernance du projet va démarrer dès le décret d’autorisation de création de Cigéo et se poursuivra tout au long de sa mise en œuvre. La phase industrielle pilote (voir ci-dessous), constituera de fait un moment très important de cette gouvernance, presque un apprentissage », précise Pascal Leverd.
Une méthodologie à trouver donc, mais qui repose sur la transparence de l’information, la pertinence et la qualité de cette information, la reconnaissance du savoir et de l’apport de chacun, la participation du plus grand nombre… et la continuité : « Il est essentiel d’instaurer une dynamique de participation du public qui ne s’essoufflera pas dans le temps. Les bonnes décisions concernant le projet résulteront notamment du bon fonctionnement de sa gouvernance. »
Constitutive du principe de réversibilité, la gouvernance de Cigéo répond aussi à une volonté affirmée de l’Andra : « Parce que ces décisions liées au projet Cigéo engageront la société tout entière pour très longtemps, elles ne peuvent pas résulter d’un face-à-face entre l’Andra et l’État. Elles doivent être le fruit d’un travail collectif. » Une exigence de participation du public qui a également trouvé une forte résonance lors du débat public de 2019 sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) et dans les décisions prises en février 2020 par le ministère de la Transition écologique et l’Autorité de sûreté nucléaire suite à ce débat.
Elaborer collectivement le plan directeur d’exploitation de Cigéo
La concertation sur la gouvernance de Cigéo vise à co-construire avec les acteurs du projet et le public, la manière dont les citoyens pourront être associés aux grandes décisions concernant son déroulement. Elle s’ouvrira fin 2020 et se poursuivra tout au long de l’année 2021 à travers des ateliers de travail, des réunions d’information en ligne, une conférence de citoyens, etc.
Les modalités de gouvernance discutées au cours de cette concertation nourriront un document clé du projet Cigéo : le plan directeur d’exploitation (PDE). Ce document décrit le déroulement dit de « référence » de Cigéo, ses grands jalons, ainsi que le schéma de gouvernance associé. Une première version a été produite en 2016 et la suivante sera remise pour la demande d’autorisation de création du projet. Le PDE sera ensuite mis à jour et concerté tous les 5 ans, pour tracer les décisions prises durant toute la durée de fonctionnement de Cigéo.
La phase industrielle pilote : une étape clé
Si le projet Cigéo est autorisé, il démarrera par une phase industrielle pilote. Objectif : tester en conditions réelles, grandeur nature, les fonctionnalités techniques et organisationnelles de Cigéo (process du stockage, surveillance du stockage, suivi environnemental, récupérabilité des colis, appropriation de l’objet industriel pour tous les intervenants, relations avec les parties prenantes, etc.).
« Première phase du développement progressif du projet Cigéo, la phase industrielle pilote sera elle aussi progressive, explique Frédéric Plas, directeur R&D à l’Andra. Il s’agira d’une succession d’étapes, d’essais, de vérifications et d’autorisations pour monter en puissance et s’approprier collectivement l’objet industriel qu’est Cigéo. Elle pourrait notamment se dérouler en deux parties avec des opérations en “inactif”, c’est-à-dire sans déchets radioactifs, puis “en actif”, c’est-à-dire avec certains colis de déchets radioactifs, sous réserve d’autorisation de l’ASN. »
En fonction des rythmes de réalisation, de démarrage et d’acquisition du retour d’expérience, et suite aux échanges avec les parties prenantes, elle pourrait durer entre 15 et 25 ans. Envisagée sur une dizaine d’années jusque-là, l’Andra propose que la durée de la phase industrielle pilote soit allongée afin de couvrir la construction de Cigéo et les premières années de fonctionnement, permettant notamment de recueillir des données sur le chantier (géologiques, environnementales et industriels). Cette proposition permet de mettre en pratique au plus tôt la gouvernance collective du projet.
Les résultats de la phase industrielle pilote feront l’objet d’un rapport de l’Andra, d’un avis de la Commission nationale d’évaluation, d’un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et du recueil de l’avis des collectivités territoriales. L’ensemble sera évalué par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui rendra compte de ses travaux à l’Assemblée nationale et au Sénat. Une loi devra ensuite permettre la poursuite du développement du projet Cigéo.